Camino Frances
J’ai franchi Roncevaux sans entendre le cor,
Roland depuis longtemps y a trouvé la mort.
Nulle stèle de marbre où est gravé son nom,
Seule une fontaine se souvient des Vascons.
J’y ai tiré de l’eau, empli ma calebasse,
Bu de longues gorgées afin que soif se passe,
Puis d’un pas décidé, sans prendre de répit
Puisé dans mes forces pour gagner Zubéri.
Au sommet Del Perdon des pèlerins de fer
Luttent contre le vent, semblant vivre l’enfer.
Ils ne sont que douze, Judas paie sa disgrâce,
Dieu ne peut pardonner, trahir laisse des traces.
Je découvre ébahi la cité millénaire
Où se fondent en un tous les Chemins jacquaires ;
L’Église du Crucifix et son Christ de bois
Celle de Santiago dans un lieu bien étroit.
Des jacquets se noyaient en coupant la rivière.
La Reine fit construire un vaste pont de pierres
Et depuis ce jour, à Puente la Reina,
On ne rend plus son âme en traversant l’Arga.
Plus bas dans la vallée, suivant le Camino,
Nul ne peut manquer la Fuente de vino,
Une fontaine en or où l’eau ressemble au vin.
Quoi de plus agréable aux yeux d’un pèlerin ?
J’ai passé Pampelune, arpenté la Navarre,
Aimé la Rioja et son fameux nectar,
Puis suivi mon chemin sous un soleil de plomb,
Trainant mon lourd fardeau à travers les vallons.
Au loin, deux grandes flèches percent l’horizon,
Soutenant le ciel gris au-dessus des champs blonds.
Je reconnais Burgos avec sa cathédrale,
Un chef-d’œuvre de l’époque médiévale.
Sous une dalle en marbre, elle cache un trésor
Qui n’intéresse pas ceux qui cherchent de l’or.
C’est ici que Le Cid a fini son combat,
Chimène à ses côtés, peut-être dans ses bras !
Dans mes pensées trop floues apparait un cheval
Et un cavalier mort qui brave son rival.
Je sortis apaisé de savoir les amants,
Sous ce marbre brillant autant qu'un diamant.
J’ai fermé la porte de la sublime ville,
Découvrant le plateau et ses terres d’argile,
Ces vastes champs de blé qui fuient à l’horizon
Et qui changent de couleur à chaque saison.
Des nuages parsemés promènent leur ombre
Rendant les cultures dans certains lieux plus sombres.
Je suis la Meseta, vous l’aviez deviné,
Un bien joli prénom que l’homme m’a donné.
Je vous quitte à Léon, ne versez pas de larme,
Cette cité romaine a bien autant de charme.
À Saint Isodore reposent tous les rois
Dans d’immenses tombeaux que surmontent des croix.
Ce Chemin m’éblouit, chaque sommet gravi
Dévoile à mon regard des beautés à l’envi :
Ici un village sans personne dehors,
Sur la place, une église aux allures de fort.
Doucement, je poursuis comme le papillon,
Volant de fleur en fleur au gré de l’aquilon,
Me posant maintes fois pour humer le bonheur,
Jouir de ces moments d’une grande douceur.
Passé El Acebo se dresse un monticule
Qui retrouve la paix quand vient le crépuscule.
Les jacquets déposent dessous la croix de fer
Leur caillou du jardin pour éviter l’enfer.
On m’avait prévenu que la route était belle,
Autant qu’une jolie robe en fine dentelle,
Mais on n’avait pas dit que chaque jour nouveau
Serait plus merveilleux et encore plus beau.
Le relief a changé, les plaines moins nombreuses,
Les montagnes plus hautes, les vallées plus creuses.
Quelques pas encor, la Galice tend ses bras,
Montrant au Cebreiro ses jolies pallozas.
Dans un temps bien lointain, Dieu y fit un miracle.
Sitôt que fut sortie, l’hostie du tabernacle
Il la changea en chair, et ensuite, versant
Le bon vin de messe, le transforma en sang.
Encore quelques lieues pour clore ce périple
Avant de contempler la châsse du disciple.
Les rires sont couverts par le bruit du silence
De ceux qui sont venus pour faire pénitence.
Tel un large fleuve que l’affluent grossit
Chaque jour que fait Dieu, le Chemin s’élargit.
Un torrent a surgi de la voie d’Oviedo,
D’autres de La Plata et du Primitivo.
Il en sera ainsi jusqu’à son estuaire,
Jusqu’à ce qu’il s’engouffre dans le sanctuaire.
Bannis ces gens sans foi partis de Sarria
Qui n’ont pour objectif que la Compostela.
Après Lavacola je rince mes guenilles
Dans un ruisseau d’eau claire où les truites frétillent
Les âges ont préservé ce rite immuable
Pour devant Saint-Jacques, demeurer présentable.
Ce matin à l’aube, j'entre à Santiago
Et découvre la place de l’Obradoiro.
Les pèlerins nombreux y partagent leur joie
Oubliant ces moments de galère et de froid.
Ce soir à l’office, j'écouterai la sœur
Dont la voix de cristal résonne dans le chœur.
Je ne manquerai rien du Botafumeiro
Que font danser au ciel huit tiraboleiros.
Demain, dès l'aube, quand sonnera l’angélus,
J’irai par ces chemins bordés d’eucalyptus,
J’irai à Fistera brûler mes souvenirs,
Si le cœur m'en dit, à Muxia pour finir.
Alain HUMBERT
18 mars 2022
Roncevaux |
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La fontaine de Roland |
Pèlerins de métal à El Perdon |
Le pont de Puente la Reina |
Confluents des Chemins |
La fontaine de vin |
La cathédrale de Burgos |
Le tombeau du Cid et de Chimène |
![]() |
Le Cid mort sur son cheval |
La Meseta |
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San Isodore ; les tombeaux des rois |
Eglise aux allure de fort |
La croix de fer |
Une Palloza |
Le miracle |
Les reliques de Saint-Jacques |
La Compostela |
Lavacola |
Le flot des pèlerins vers Sarria |
Santiago - Place de l'Obradoiro |
La petite soeur |
Le Botafumeiro |
Fisterra |
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