Soif de vivre
N’avez-vous, cher ami, connu telle douleur
Quand ne reste à boire que les larmes des yeux ?
C’était un jour d’été, il s’annonçait joyeux
Sur les monts Cévenols, inondés de chaleur.
Ce jour-là, je marchais, dévorant la campagne,
Sans compter ni mes pas, ni l’heure qui avance.
Mon esprit en éveil écoutait le silence
De la nature en fleurs, immobile compagne.
Le soleil au zénith incendiait mon être,
Faisant éclore au front, des perles de sueur
Que du bras, j'épongeais d’un geste sans pudeur.
Je lichais à l’excès pour quêter le bien-être.
À boire tel un trou, mon esprit s’alarma.
Depuis longtemps déjà, ma gourde sonnait creux
Et, sachant le salut encore à plusieurs lieux,
L’angoisse m’envahit et mon cœur palpita.
Je n’avais plus de quoi abreuver une mouche
Et déjà j'entendais se plaindre mon gosier,
Devenu aussi sec que les rocs du sentier.
Je rêvais de sanglots pour humecter ma bouche.
Je n’osais plus penser de crainte d’un mirage :
La source qui jaillit ou le ruisseau d’eau vive.
Je n’aspirais dès lors qu’à mouiller ma salive
Afin de retrouver une once de courage.
Deux fées surgirent, était-ce une vision
Ou tout simplement, les prémices de la mort,
L’instant redouté où l’âme quitte le corps,
Se détache et s’envole au gré de l’aquilon ?
Non, pas un caprice de ma pâle raison !
Deux filles tout en blanc et jolies de surcroît,
Jaillies soudainement, Dieu sait de quel endroit,
Flânaient sur le chemin en la belle saison.
La gourde que j’agite, dont il ne tombe goutte,
Parle mieux que les mots que ma voix emprisonne.
Anna, la plus âgée, de loin la plus mignonne,
Donne l’eau sans compter, son amie en rajoute.
De longues rasades ressuscitent mon corps,
Redonnant à mon être un semblant de vigueur.
Je mesure un peu mieux à quoi tient le bonheur,
Sur ce court chemin entre la vie et la mort !
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Mimant La Fontaine plutôt que Baudelaire,
En guise de morale, on dirait de ce cas :
« Ne présume pas de forces que tu n’as pas,
Pour n’avoir jamais à vivre telle galère » !
Alain HUMBERT
30 juin 2023
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