jeudi 23 février 2023

 

      

Moi, Ukraine

 

Souvent, je me souviens de ce temps bien lointain,

Où seulement vivre, n’avait rien de certain.

Brandissant à tout-va, le marteau, la faucille,

Lénine avait bâti une grande famille

Dont chacun des membres devait lui obéir,

Passer ses caprices et son moindre désir.

Mes quatre sœurs et moi, nous adorions la vie ;

Je les aimais toutes, mais surtout Moldavie.

Les Baltes, très copines, jalousaient mes mines,

Lituanie souvent raillait mes origines,

Les trois me reprochaient ma nature rebelle,  

De ne pas accepter, des parents, la tutelle.

Férue de liberté, je maudissais la chaine

Qui entravait mon corps et attisait ma haine.

J’ai encor souvenir de ce jour de décembre

Où l’histoire, soudain, a libéré nos membres.

Tels des ilots glacés, lâchés par la banquise,

Nous avons dérivé, emportées par la bise,

Recherchant les endroits où la mer est plus lisse,

Où le bonheur existe et aussi la justice.

Les vents m’ont déposée tout près de l’occident,

Aux rives de l’Europe, à côté de l’Otan.

J’ai revêtu l’habit d’un État souverain,

Vendant mes richesses, mon sous-sol et mon grain 

Pour offrir à mon peuple un soupçon de bonheur

Au risque de fâcher ce voisin prédateur.

            

L’attente fut brève pour que sorte du bois

Ce vieux loup affamé, semant partout l’effroi,

Égorgeant, massacrant, partout sur son passage

Celui qui lui tient tête et quel que soit son âge.

 

–– Pourquoi tant de haine depuis que je suis libre ?

Pour agir de la sorte, faut-il que tu sois ivre !

Regarde tes soldats épandre la terreur,

Perpétrer des crimes plus abjects que l’horreur.

Entends-tu les sanglots des femmes qu’ils violent,

Les cris des innocents qu’au bûcher, ils immolent ?

Vois-tu dans ton pays ces mères éplorées

Pleurer les fils aimés que tu leur as volés ?

Plutôt que t’enivrer à contempler tes chars,

Tourne un peu la tête et compte ces corbillards

Si lourdement chargés qui portent vers les fosses

Les dépouilles d’hommes qui n’étaient que des gosses !

 

Quand un jour devant Dieu, tu porteras la croix

N’ose pas imaginer que tu auras le choix

Entre le paradis et le feu de l’enfer !

Je crains fort pour toi que tu tires Lucifer !

 

             Alain HUMBERT

             Février 2023

     


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