Les lavandières
Quatre jolies dames coiffées de broderies
Portent à bout de bras de lourds paniers d’osier
Emplis d’habits chauds sortis des buanderies.
On devine des pulls aussi un chemisier.
Comme chaque lundi, elles vont au lavoir
Pour rendre à ces chiffons la blancheur envolée.
Aucune n’a oublié, le savon, le battoir
Non plus le grand baquet et son anse étamée.
Toutes sont amies, mais toutes assez mégères ;
Ici, quand on lave, on salit toujours un peu !
Les railleries foisonnent, pas souvent légères.
On baptise chacun des pieds jusqu’aux cheveux.
Les dames agenouillées sur la pierre lisse
Lancent l’étoffe à l’eau comme on jette un filet,
La frotte, la brosse, sans que le bras faiblisse,
Répétant ces gestes à la force du poignet.
Si la crasse résiste, on n’hésite jamais
À sauter au bassin, fouler le linge aux pieds,
Pareil au vigneron piétinant le gamay
Pour que fuse le jus sous ses roses souliers.
Chacune a sa blague qui fait rire aux éclats ;
Des taches dans un drap qui défient le savon
Et toutes miment les frénétiques ébats
De ceux qui se sont aimés plus que de raison.
Les paniers se vident malgré la bonne humeur.
Ne reste qu’un gilet, une paire de gants,
Une veste en coutil souillée par la sueur
Mais qui fleure si bon la douce odeur des champs.
On ne peut se quitter sans rire d’Eugénie
Dont les longues cornes transpercent le chapeau
Et aussi du facteur qui, pour donner un pli,
Passe chez certaines, plus de temps qu’il en faut.
Alain HUMBERT
2 février 2023
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